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[Cinema] La Conférence

Au matin du 20 janvier 1942, une quinzaine de dignitaires du IIIe Reich se retrouvent dans une villa cossue à Wannsee, conviés par Reinhard Heydrich à une mystérieuse conférence. Ils en découvrent le motif à la dernière minute : ces représentants de la Waffen SS ou du Parti, fonctionnaires des différents ministères, émissaires des provinces conquises, apprennent qu’ils devront s’être mis d’accord avant midi sur un plan d’élimination du peuple juif, appelé Solution Finale. Deux heures durant vont alors se succéder débats, manœuvres et jeux de pouvoir, autour de ce qui fera basculer dans la tragédie des millions de destins.

Rien de spectaculaire dans la façon dont Matti Geschonneck a filmé cette conférence qui aura des conséquences sur plusieurs générations, autant côté bourreaux que côté victimes. C’est une réunion calme, on est entre gens bien élevés, on prévoit des boissons et un petit en-cas car ça doit durer moins de 2 heures. Le décalage entre la forme policée et l’inhumanité du fond est abyssal. L’action dans ce huis-clos se déroule de façon linéaire. Le téléfilm a le mérite d’éviter les clichés, on ne crie pas Heil Hitler, on ne voit pas de Croix Gammées sur tous les murs et tous n’ont pas une tête de sadique. Les acteurs ne surjouent pas. Un film tout en sobriété. En austérité même.
On connait tous ce fait historique et ce qu’il a engendré, il n’y aucun suspens. La seule surprise est de voir ces hommes discuter calmement sur la problématique et la méthode pour éliminer des millions de Juifs, avec un langage détaché, bureaucratique et des soucis de comptable. Des hommes polis, qui parlent de leur vie de famille et quelques minutes après sont capables de parler de déportation, d’élimination, d’exécution de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Autour de la table se trouvent des Nazis, des fanatiques, mais aussi des hauts fonctionnaires qui font « juste leur travail ».

Tout est rationnel, calculé au moindre coût. Eichmann fait son rapport, son chiffrage, calmement, il représente bien la banalité du mal dont parle le film « Hannah Arendt ». La déshumanisation personnalisée se trouve peut-être en la personne de sa jeune assistante qui est contente de sortir de la routine de son bureau de secrétaire pour écrire le compte-rendu d’une réunion de dignitaires du Reich dans une belle villa. Elle ne montre pas la moindre émotion par rapport aux propos qu’elle est chargée de retranscrire.

C’est un film qui remue mais sans la moindre image de violence. La cruauté est dans les mots, dans ces discussions froides et détachées sur le meilleur moyen de débarrasser l’Europe des juifs. Tous argumentent car il y a quelques réticences mais l’objectif commun est la rentabilité.

A la fin, les chambres à gaz apparaissent la solution la plus efficace pour économiser de la main d’œuvre et des munitions… la solution finale dans tous les sens du terme.

Deux autres téléfilms ont été tournés sur ce sujet en 1984 et 2001. Celui-ci est sorti en Allemagne l’année dernière pour les 80 ans de la Conférence de Wannsee.

17 Comment

    1. Un film indispensable d’une grande maitrise.
      Je suis surprise que tu insistes sur le fait que ce soit un téléfilm ce qui peut en rebuter certains.
      Après quelques recherches, le film est bien classé parmi les films et non les téléfilms, sorti en salle dans son pays en 2022 et enfin chez nous.
      Qu’il ait été vu à la télé depuis n’en fait pas un téléfilm qui a un petit côté péjoratif il me semble.

      1. Nous étions juste surprises de retrouver ce (télé) film au cinéma en France, nous attendions sa diffusion plutôt sur Arte. En Allemagne, on parle d’un téléfilm, (c’est l’Allemande de matchingpoints qui parle… ) mais pour nous, rien de péjoratif dans l’appellation téléfilm !

  1. Un grand merci pour cette critique très complète. On a beau savoir que ça a existé, ça reste à peine croyable.

  2. Bonjour Matchingpoints, merci pour ce billet sur un film que les jeunes générations devraient voir. Il parait que la secrétaire qui a pris en note la conférence serait morte en 2010…. Bonne journée.

    1. N’exagérons rien ! Les adolescents sont plutôt bien rôdés à la violence physique et psychologique avec les jeux vidéo.
      Une petite incursion dans la Réel historique avec explications et clés d’analyse ne mettront pas en péril je pense, leur santé psychique.

      Je me souviens qu’au collège, on nous avait fait voir sur grand écran, un documentaire sur la 1ère guerre mondiale avec tranchées, poilus et chevaux déchiquetés.
      Ce dont je me souviens, c’est surtout le fait que j’ai été bouleversée par ces animaux (ces outils) qui n’avaient rien demandé à personne et qui se retrouvaient dans cet enfer humain.

  3. Bonjour les Matching,
    Ce film doit être aussi perturbant qu’irritant ! En tant que spectateur l’on doit avoir envie de traverser l’écran et de les secouer tous afin de leur faire réaliser la teneur et l’ignominie de leurs propos !! Comment peut-on parler de l’extermination de millions de personnes avec autant de détachement et de froideur, cela me dépasse…
    Bien à vous et merci pour votre résumé.

    1. Bonjour Anne, plus perturbant qu’irritant, mais on a du mal à trouver un mot adéquat.
      Bon weekend à vous

  4. Merci pour ce résumé et avis. C’est typiquement le genre de films ou téléfilms historiques que je regarde.
    Cependant, il serait bien naïf de croire que cet épisode historique fait juste partie du souvenir des hontes humaines et que ce temps est révolu.

    Bien sûr, le récit officiel continue son matraquage avec son « plus jamais ça », alors que dans les faits, l’Europe a traversé la ligne rouge (entre autres) avec le Pass vaccinal, sanitaire, où l’apartheid était triomphalement appliqué entre les vaccinés et les non vaccinés qui n’ayant plus aucun droits sur leurs corps et esprits étaient démissionnés comme certains résistants du personnel soignant.
    Dans l’Allemagne de 1933, cela s’appelait l’ahenpass.

    Nous avons donc glissé de l’obsession raciale à l’obsession virale.
    Dans les coulisses du forum de Davos, ne doutons pas que ses grands prêtres du « Great Reset » comme Klaus Schwab et Yuval Noah Harari , ont planifié ce type de décisions comme à Wannsee.

    « A sa manière aussi, en effet, le nazisme était un «grand reset». La biologie d’État y occupait déjà une grande place, tout comme, on le sait, la techno-médecine (qui en est le prolongement naturel). Biologie d’État + sécurité publique, qui dit mieux? »

    A quoi sert l’Histoire ? Certainement pas à se promener au temps jadis comme on visiterait un musée ou un mémorial entre 5 à 7, mais à faire réfléchir sur le présent. Ne croyez-vous pas ?

  5. Coucou,
    Il existe de nombreux films, documentaires sur le sujet, mais c’est la première fois que je vois le sujet aborder de cette façon.
    C’est important de montrer combien l’Homme peut aller très loin dans l’horreur.
    Malheureusement, il ne semble pas apprendre, quand on voit les atrocités de notre monde.
    C’est donc plus que jamais important de continuer à en parler, en transmettant les faits tels qu’ils se sont passés .
    Merci pour ce retour.
    Belle fin de journée

    1. Votre mot résume bien tout ce que nous avons ressenti pendant la projection. L’horreur des faits mais aussi le constat que l’être humain semble n’avoir rien appris !
      Merci

    1. Oui, tout à fait ! Ce genre de cinéma, est-il est aussi distribué au Canada ?
      Nous vous souhaitons aussi un beau weekend de printemps

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