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[Voyage] Retour d’Iran 2

Au milieu des monuments qui racontent l’histoire millénaire de la Perse, se glissent des ombres…

Lorsqu’on va visiter l’Iran et qu’on est femme, on doit accepter de vivre la tête couverte. A l’extérieur et dans les musées bien sûr, mais aussi dans les restaurants et les hôtels. Aucune dérogation à la Loi !

Les iraniennes se divisent en deux catégories bien distinctes, ce qui met en évidence un des nombreux paradoxes de ce pays.

Il y a celles, très croyantes, qui portent le tchador. Elles gardent toutefois le visage découvert et acceptent volontiers d’être photographiées, contrairement à d’autres pays musulmans.

Et celles qui utilisent d’incroyables stratégies pour s’approprier un look occidentalisé.

Les vêtements, qui doivent impérativement couvrir tout le corps, sont colorés, slim et baskets ont la cote. Le foulard glisse (très souvent) et on le réajuste (de temps en temps), « on gagne sa liberté centimètre par centimètre ». L’Iran est un des pays du monde où la consommation de produits cosmétiques est la plus élevée. L’excès de maquillage et le vernis à ongles permanent sont comme une revanche sur le foulard.

Il n’y a pas vraiment le choix pour les écolières

auprès desquelles nos baskets (de marque américaine) ont eu un franc succès !

Toutes, jeunes ou âgées, quêtent nos regards et notre attention, elles s’approchent de nous et veulent nous parler. Malheureusement la plupart ont un anglais très limité voire inexistant. Heureusement « merci » se prononce de la même façon en persan. On parle avec les mains. Jamais nous n’avons échangé autant de sourires avec les passantes que dans ce pays. Le sourire entre femmes est pratiquement de rigueur… Connivence sous le foulard ?

Ce foulard est une véritable obsession de part et d’autre. De la part de la Police des Moeurs et de la part des iraniennes rebelles. La police des Moeurs peut retirer son permis à une femme dont le foulard a glissé pendant qu’elle conduisait. Une astuce : coincer les pans du foulard derrière ses oreilles !

Les révoltées risquent des amendes ou, pire, la prison. Telle cette jeune fille qui sur une place de Téhéran a brandi son foulard blanc sur un bâton, s’exhibant tête nue. Plus soft…les agents de la Police des Moeurs se postent à un carrefour avec une camionnette, ils arrêtent celles qui sont, selon eux, habillées de façon indécente, les font monter dans la camionnette et appellent quelqu’un de la famille pour que soient apportés des vêtements plus couvrants.

Obsession permanente, pression quotidienne… que d’énergie déployée pour imposer ce bout de tissu, pour les uns, ou pour tenter de s’en débarrasser, pour les autres !

Une campagne appelée White Wednesdays (mercredis blancs) propose aux iraniennes (et aux iraniens) de porter du blanc le mercredi pour affirmer leur opposition au foulard. Sur Face Book (interdit en Iran), le compte My Stealthy Freedom (ma furtive liberté),  incite les femmes à publier des vidéos d’elles osant rester tête nue dans la rue ou dans leur voiture.

Les touristes ne risquent pas grand-chose mais nous nous sommes conformées à la Loi pour ne pas attirer d’ennuis à notre guide iranienne. En novembre il fait de 5 à 18 degrés, c’est un très bon mois pour se couvrir la tête !

Il y a des situations absurdes. Nous sommes allées au Musée de la Musique à Téhéran et avons assisté à un concert d’instruments traditionnels.

Les musiciennes jouent avec le foulard et les spectatrices (censément auditrices) ont toutes le foulard… sur les oreilles. Quel non-sens !

Hommes et femmes sont théoriquement séparés : deux files différentes pour passer les contrôles à l’aéroport, écoles et universités non-mixtes, une femme n’a pas le droit de faire la bise à un ami ou collègue, les amoureux n’ont pas le droit de se donner la main. Il n’est pas d’ailleurs pas facile de faire connaissance. Les jardins (persans) sont propices aux rencontres, chacun gardant ses distances, bien sûr…

Une maman de garçon ne peut pas emmener son fils à la piscine pour femmes, même s’il a 2 ou 3 ans. Seul son père peut lui apprendre à nager.

Extrême décence à la télévision d’état aussi.

On est loin des décolletés de certaines stars françaises des actu !

Dans cet univers de rigueur où tout est interdit, on peut aussi ruser : mettre des gants pour cacher les ongles vernis, faire la fête et boire de l’alcool de contrebande chez soi entre amis, capter les chaines de télévision étrangères avec des paraboles que la police a de plus en plus de mal à contrôler tellement elles sont nombreuses… Hypocrisie, schizophrénie ! Un slogan : « Pour vivre heureux, vivons cachés » !

A suivre….

28 Comment

  1. Ce sont tous ces paradoxes qui me fascinent dans ce pays. Toutes ces femmes se sont visiblement laissées photographier en toute confiance, voire avec plaisir … et c’est dommage que le contact ne soit pas plus facile. En tout cas, ce voyage est une belle expérience. La guide était tout le temps avec vous ?
    Merci pour vos partages !

    1. Nous avions en permanence un conférencier français diplômé de l’école du Louvre et une guide iranienne. L’encadrement était parfait.
      Les iraniennes en foulard ou en tchador étaient ravies de se laisser photographier ou de faire des selfies avec nous.

  2. Merci pour ce reportage très intéressant et riche en émotions, car oui, je me suis sentie émue à la lecture de votre article. Dans certains pays, nous le savons bien, être une femme est un défi permanent.

  3. C’est pareil en Malaisie mais le foulard est bien fixé. J’ai vu beaucoup de femmes s’en servir pour coincer leur portable sur l’oreille, version mains libres !

    1. Nous ne savions pas que le foulard était inscrit dans la loi en Malaisie. On pense toujours aux pays plus proches de l’Europe.
      Le foulard n’est justement pas bien fixé ! Ainsi il peut glisser, on garde un instant les cheveux à l’air et on le réajuste. Ce sont des petites stratégies quotidiennes.

  4. C’est toujours très intéressant et instructif de lire vos commentaires.
    Merci pour ce partage.
    Bonne soirée Mesdames.

  5. après le reportage photo super, je lis les suites de la visite IRAN la vie de nos sœurs qui n’est pas vraiment réjouissantes malgré leur sourire, merci de nous faire partager

    1. En effet elles nous gratifiaient de sourires alors qu’elles mènent une lutte quotidienne. Nous avions à cœur de répondre à ces sourires car nous respectons leur courage.

    1. C’est un voyage qui n’est pas anodin. Nous étions déjà très intéressées par la culture de la Perse antique et par le cinéma iranien contemporain dont nous avions vu de nombreux films.Mais nous nous sommes rendu compte qu’il est difficile d’afficher une connaissance de ce pays tant qu’on n’y est pas allé.

    1. Il vaut mieux en effet ne pas y aller. Il ne sert à rien de faire, en tant que française, de la résistance en Iran. Seulement à créer des ennuis aux accompagnateurs. Toutes les femmes de notre groupe ont été très vigilantes dans le port du foulard pour garantir la sécurité de notre guide iranienne.

    1. Ce n’est pas seulement une question de conviction. Même les non-pratiquantes doivent avoir la tête couverte. C’est inscrit dans la Loi de la République Islamique. On ne peut y contrevenir sous peine de sanctions.

  6. C’est passionnant vous avez de la chance d’avoir vécu cette expérience.

    Entendre parler de la situation en Iran est une chose, mais vous y êtes allée (du moins l’une des matchingpoints) et avez pu toucher du doigt cette réalité.

    1. Une réalité souvent paradoxale. Nous avons revécu une partie de l’histoire de ce pays, de la chute du Shah au nouvel embargo américain. Sans parler bien sûr de la Perse éternelle !

  7. Sous couvert de modernité c’est un pays à la mentalité arriérée. Concernant les femmes évidemment.
    Je viens de voir le film La permission… un titre et un film qui démontrent bien l’infantilisation des femmes qui ont besoin de la permission de ces messieurs pour… vivre.
    Révoltant, consternant.
    Ce voile, ces vêtements c’est insupportable pour moi. Mais il est vrai qu’elles ont beaucoup d’astuces pour mettre de la couleur et de la féminité dans leur tenue. Les longs manteaux légers, les écharpes drapées c’est très beau. Mais c’est tellement la manifestation de contraintes…
    Je vous encourage à voir ce beau film énergique et féministe. Pour une fois le terme prend tout son sens.
    Ce n’est pas parce qu’on met 4 femmes dans un film (Les veuves) qu’on fait un film féministe.

    1. Merci pour cet info cinéma. Une réalisatrice que nous ne connaissons pas encore. Nous espérons pouvoir voir ce film rapidement. En effet, comme nous le disons dans un prochain post, ce sont les maris qui doivent renouveler le passeport de leur femme tous les 4 ans. Le mari de notre guide a demandé à renouveler le passeport de sa femme pour une durée plus importante, cela lui a été refusé ! Hier soir sur LCP, émission « Droit de suite », il y avait un reportage sur la jeunesse iranienne. De nouveau le foulard et la tenue vestimentaire étaient au centre des débats ; cette contrainte est une obsession et engendre une lutte quasi quotidienne… et un courage de tous les jours. Nous sommes bien d’accord avec vous, féminisme prend là tout son sens !

      1. Il s’agit d’UN (jeune,) réalisateur. Le prénom vous aura sans doute fait douter.
        Oui c’est étonnant mais ce film rageur, politique et féministe est d’un homme.
        On comprend que cette tenue asservissante voire avilissante soit une obsession… Et la religion n’a rien à voir là dedans. Je crois qu’aucun texte religieux ne l’exige. Seul l’homme, incapable de maîtriser ses bas instincts…..

        1. Merci. il y a peu d’informations sur lui. Des iraniens participent eux aussi à la lutte pour l’émancipation des femmes.

  8. Bravo à vous les Matching pour publier à propos de la condition de la Femme. Plus qu’une injonction religieuse, je le perçois comme un asservissement de la Femme par l’Homme. Evidence pour la culture occidentale, mais loin de l’être pour tout le monde..
    Ce que l’on peut voir au travers de vos photos? des femmes belles, des femmes qui lèvent la tête et qui sont fières. Bravo à toutes celles qui luttent contre ces inégalités.

    1. Merci pour vos compliments. Vous avez tout à fait compris le message que ces photos transmettent. Des femmes souriantes et fières malgré la soumission obligatoire à la Charia.

  9. C’est super ce reportage! merci! Très intéressant bien que consternant. Cette obsession pour anéantir le pouvoir des femmes, leur féminité naturelle. Ces Messieurs doivent être bien misérables pour imposer tout ça. Mais de quoi ont-ils peur exactement? Un modèle de société honteux.

    1. Le pouvoir de séduction des femmes n’est pas anéanti car elles savent se mettre en valeur malgré les contraintes vestimentaires.

  10. C’est cette énergie féminine qui doit être fascinante. Et c’est elle qui fera évoluer ce pays.
    Pour nous, femmes occidentales libres de porter ce que l’on souhaite, ces contraintes archaïques sont rebutantes, mais cela ne m’empêchera pas d’aller visiter ce pays magnifique. Je masquerai ma chevelure tant bien que mal pour pouvoir admirer les merveilles.

    1. Nous n’avons pas hésité à en passer par là pour quelques jours. Certaines femmes ont des petites stratégies de rébellion au quotidien. Cela suffira-t-il ? Elle n’ont déjà plus l’obligation de porter le tchador noir comme après la révolution islamique.

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