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[Cinéma] Sils Maria

À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena…

Nous ne pouvions pas ignorer un film qui parle d’une femme face au temps qui passe…

Un film construit sur des performances d’actrices. Juliette Binoche très féminine, belle, tantôt sophistiquée et voluptueuse, tantôt naturelle au physique lourd qui nous rappelle son personnage de « L’insoutenable légèreté de l’être ». Elle est confrontée à une Kirsten Steward d’une modernité presque banale, désinvolte et fragile à la fois. C’est dans ce face à face de femmes de deux générations différentes que s’introduit une troisième, encore plus jeune et perturbée, interprétée par Chloë Grace Moretz. Elle souligne encore plus cruellement le côté has been de l’actrice vieillissante.  Ce trio d’actrices fonctionne à merveille.

Pour étayer sa réflexion sur le monde actuel du cinéma, son business et ses jeunes stars, Assayas a choisi un thème et un décor séduisants : filmer la répétition d’une  pièce de théâtre où l’ambiguïté des situations se mêle à la double lecture des dialogues. En  contrepoint, la nature (les Alpes suisses) et la musique. Mais la modernité est omniprésente à travers les nouvelles technologies : le ton est donné dès le départ, les assistantes ont deux à trois portables, sont toujours à la recherche d’infos, on « google » sans cesse. Mais les infos sur le net ne correspondent pas toujours à la vraie personne, là encore une double lecture.

L’actrice confirmée et sûre d’elle est déstabilisée par celles qui ont l’assurance et la désinvolture de la jeunesse. Elle nous est présentée au début comme une star hautaine et capricieuse mais faiblit peu à peu et devient la femme qui supplie pour capter l’attention, comme l’héroïne qu’elle interprète. « Tout le monde sait qu’elle est finie », cette réplique finale de la pièce de théâtre prononcée par la belle jeune femme sonne comme une condamnation cruelle que l’actrice prend de plein fouet pour elle-même et non plus seulement pour son personnage. Les rôles sont inversés : la star est blessée, la gamine apparemment niaise devient le symbole d’une jeunesse triomphante et sans pitié.

C’est un très bon film par l’originalité du sujet et le scénario qui ménage même un certain suspens. La distribution, très homogène, rassemble Angela Winkler, que le public français avait découvert dans les films « L’honneur perdu de Katharina Blum » et « Le tambour » de Schlöndorfer, et Lars Eidinger, que nous avions eu la chance de voir à La Criée à Marseille dans « Hedda Gabler » d’Ibsen brillamment mis en scène par Thomas Ostermeier.

Il aurait pu être exceptionnel s’il n’y avait eu quelques passages trop démonstratifs et insistants qui enlèvent la finesse de l’étude psychologique voulue par le cinéaste.

31 Comment

  1. Thème intéressant, un peu en mise en abîme; c’est le triste destin des stars. Quelques années de célébrité pour être vite éclipsé par une autre. Quoiqu’il en soit, la génération d’actrices de Juliette Binoche m’intéresse toujours plus que les starlettes montantes… À voir donc !

    1. Les starlettes montantes, aux choix habituellement éclectiques, tirent tout à fait leur épingle du jeu dans ce film.

  2. J’ai très envie de voir ce film poussée par la curiosité de voir le duo Binoche/Stewart et irait probablement ce we. Ce sera ma rentrée Cinéma !

  3. Malgré ce très bel article, j’hésite. J’ai pourtant beaucoup aimé les (premiers) films d’Assayas, très inventifs. J’avais le sentiment d’un sujet plus ordinaire et d’un traitement plus convenu du dit sujet. Et puis l’affiche est assez repoussante, je ne sais pas pourquoi. Il parait que Kristen Stewart y est une révélation, vous confirmez? Jusqu’à présent elle ne m’avait pas emballée….

    1. Oui nous confirmons ! Nous avons trouvé que son jeu lors des répétitions, où elle n’est pas une actrice mais l’assistante de la star qui l’oblige à lui donner la réplique, était tout en finesse, en équilibre entre le naturel de son personnage et la gaucherie de celle qui n’est pas une actrice professionnelle. Certains événements qui arrivent à l’autre jeune actrice lui sont vraiment arrivés et Assayas en fait une sorte de jeu de miroir…pour initiés bien sûr 😉

  4. Ah, vous aussi vous avez aimé ! Moi qui vois deux à trois films par semaine les bonnes semaines, je pense que celui-ci restera sans conteste dans mon top 2014. J’attends impatiemment le Saint Laurent de Bonello qui le détrônera peut-être…
    @Colette : allez-y je pense que vous ne regretterez pas.

    1. Un film qui plait aux femmes incontestablement. pourtant le thème du vieillissement traité à travers une actrice qui est censée n’avoir QUE 40 ans n’est pas très flatteur ! Mais l’association de talents divers nous a séduites.

    1. Le choix des 2 jeunes actrices très people en fait un film tout public mais il faut accrocher au côté pièce de théâtre dans le film.

  5. Vous me tentez Mesdames, j’avais de toute façon envie d’aller voir ce film car j’ai toujours suivi de près la carrière de Juliette Binoche, Kristen Stewart m’emballe bien mais laissons lui une chance…

  6. Bonsoir Matching points, je suis sûre que c’est bien mais comme je n’ai vraiment pas d’atome crochu avec Juliette Binoche, je n’ai vraiment pas envie de le voir. En revanche, j’ai vu en avant-première Gemma Bovery d’Anne Fontaine, j’ai beaucoup aimé. Bonne soirée.

  7. C’est la première critique que je lis sur ce film incroyable depuis que je l’ai vu et je suis contente de voir que sa profondeur et le talent avec lequel il est joué n’ont pas plu qu’à moi.
    J’ai été ébahie devant les différent niveaux d’interprétation (le fameux mélange vraie vie / répétition de la pièce) et la finesse des analyses qui sont permises. Pour le coup, et contrairement à vous qui émettez un petit bémol, j’ai été totalement conquise !

    1. Nous aussi avons bien aimé ce balancement entre vie réelle et théâtre par l’intermédiaire des répétitions et ce moment d’incertitude quand on ne sait plus si on est dans l’une ou dans l’autre.

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