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[Cinéma] Le Passé

 

Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d’Ahmad pour tenter d’améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé… Marie vit avec ses deux filles d’un mariage d’avant devant les portes de Paris, et avec elles le fils de Samir, le fils du nouveau compagnon dont Ahmad ne connaissait pas l’existence.  La femme de Samir est dans le coma après une tentative de suicide.

Asghar Farhadi est un réalisateur que nous apprécions depuis que nous l’avons découvert en 2009 avec « A propos d’Elly » et dont nous avions beaucoup aimé « Une séparation » . Aussi nous nous sommes précipitées pour voir le premier film projeté à Cannes.

Nous avons ici retrouvé les mêmes thèmes.  La force du destin : un événement qui fait basculer plusieurs vies, la vie ne sera plus la même, les héros sont condamnés. L’inlassable  reconstruction des  faits à la recherche de la vérité, d’une vérité cachée dans l’écheveau des culpabilités à démêler, tout en sachant qu’on ne saura jamais vraiment ce qui s’est exactement passé ni ce qu’il adviendra des personnages comme dans les deux précédents films.

Nous avons été un peu déçues du contexte français, du choix bien français du triangle amoureux, même si cela va au-delà de la petite histoire d’amour. Le film se concentre trop sur l’expression des sentiments alors que  nous trouvions dans ceux situés en Iran une réflexion sur la société de ce pays dont l’histoire a quelque chose de fascinant. Il nous a manqué le dépaysement, la représentation de la vie quotidienne en Iran et des préoccupations des iraniens. Si l’héroïne d’ « Une séparation » veut divorcer (comme Marie) c’est surtout pour s’enfuir d’Iran et pas pour des considérations sentimentales.

L’iranien qui revient en France pourrait provenir de n’importe quel pays.

Le sujet de la famille recomposée est un thème très actuel dans la société occidentale,  la souffrance des enfants due aux changements de partenaires et de vie des parents ; il règne une ambiance de perpétuelle tension entre adultes, entre adultes et enfants.

Farhadi regarde ce  puzzle dans les détails, fait partager les angoisses des enfants et les doutes des adultes.

Les personnages sont « paumés », le désordre de la maison en cours de rénovation est comme un contrepoint au désordre de la vie de l’héroïne même si elle veut aller de l’avant, changer vraiment de vie et trouver enfin le « bon » mari.

Le film ne livre pas les raisons de son départ, mais il est évident qu’Ahmad, comme Samir, ne parvient pas à se défaire du passé : « il faut couper » lui dit son ami. Mais il est difficile de laisser le passé derrière soi, parce que dans  la vie les chapitres ne se suivent pas d’une façon linéaire  mais se superposent en permanence.

Farhadi parle des gens qui se trouvent dans un endroit de passage. Tout le monde cherche sa place, celui qui l’exprime le mieux est  Fouad, le fils de Samir, il ne sait plus dans quel lit il doit dormir, dans quel appartement il doit se sentir chez lui, dans celui de son père ou dans celui de la femme qui peut-être lui a ôté sa mère.

Tous les acteurs sont excellents, mention spéciale pour Bérénice Béjo et les enfants.

« Le passé » est un grand film sur le déracinement et l’errance ; il paraît qu’Asghar Farhadi va retourner en Iran pour sa prochaine œuvre. Nous l’attendons avec impatience !

 

 

22 Comment

  1. J’ai vu quelques extraits de ce film et votre avis rejoint cette impression que j’ai eue et mon souhait de voir ce film ! Bon lundi de Pentecôte à vous !

    1. C’est un des inconvénients d’habiter à la campagne…mais le 1er juin n’est pas loin. Ce film sera encore à l’affiche.
      Bonne soirée

    1. Avez-vous vu les autres films de ce metteur en scène ? Pour savoir si vous êtes sensible à sa façon de raconter la vie – nous aimons sa manière d’observer les gens. Alors…
      Bonne soirée

  2. Vaste sujet que le déracinement. On n’imagine pas souvent ce que les gens qui ont quittés leurs terres natales ressentent, mais apparemment ce film dévoile les sentiments des déracinés. Tu me donne envie d’aller le voir ! merci 🙂

    1. Il y a le déracinement de l’exilé mais aussi des enfants du divorce qui ne savent plus où est leur vraie maison…

  3. Je suis allée voir ce film il y a déjà une semaine… Tout comme vous, j’ai beaucoup apprécié « Une Séparation » lors de sa sortie dans les salles. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai tenu à voir « Le Passé », mais je dois reconnaître avoir été perturbée par ce film qui m’a mise mal à l’aise durant toute la projection. Le thème principal qu’il traite, la vie extrêmement instable d’une famille recomposée, est un sujet universel et à mon avis, peu importe que l’action se déroule en France. Le film aurait pu aussi bien être tourné en Iran ou dans un autre pays car ce problème des temps modernes dépasse largement les frontières et les cultures. Personnellement, ce n’est pas le lieu du tournage qui m’a dérangée, mais l’atmosphère absolument délétère qui se dégageait de cette histoire que j’ai trouvée somme toute assez sordide. Je suis sortie de la séance absolument vidée et je n’ai qu’un conseil à donner aux personnes qui n’ont pas encore vu ce film : évitez-le si vous ne voulez pas sombrer dans la déprime !

    1. C’est certain, ce n’est pas un film gai ou optimiste, mais il reflète bien la situation triste dans laquelle certains couples et familles se retrouvent. La tristesse est encore soulignée par cette maison en désordre, rien n’est à sa place. Nous avons suivi ce film comme une tragédie grecque, nous nous attendions même au pire pour le personnage de la fille !
      Merci pour votre commentaire

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