Syngué Sabour – Pierre de patience
Durant la guerre civile afghane des années 1990 les bandes de moudjahidin rivales s’affrontent dans les rues de Kaboul. Dans ces rues, un portail arraché, un jardin dévasté, menant à une maison qui tient encore debout. Là, depuis des jours, une femme veille son mari, plongé dans le coma, une balle dans la nuque…Elle exprimera tout ce qui lui passe par les souvenirs et par le cœur. C’est alors que le comateux devient une « pierre de patience » : sur sa peau glissent ou se frottent toutes les confessions possibles, libérant le confident.
Golshifteh Farahani, actrice franco-iranienne que nous avions déjà appréciée dans « A propos d’Elly » de ‘Asghar Farhadi, interprète une belle jeune femme mariée à un homme beaucoup plus âgé. En veillant ce vieil époux elle entame un monologue ; elle va d’abord reprendre le récit des épisodes de leur vie commune : la guerre pour lui, la soumission pour elle, puis peu à peu dévoiler ses ressentiments jusqu’à ses secrets les plus terribles. Ayant découvert le pouvoir libérateur de la parole, elle le maintient même en vie pour pouvoir poursuivre sa « thérapie ».
Au long face à face entre la femme et le mourant dans le huis-clos de leur maison, peu à peu détruite par les attaques des talibans, répondent les images fortes de la guerre, l’urgence, la vie qui ne tient qu’à une rafale de mitraillette.
Dans cette partie du monde, la femme est un objet, « un morceau de viande » maltraité par des hommes qui « font la guerre car ils ne savent pas faire l’amour ». Si les hommes sont eux aussi enfermés dans un rôle, ils ne sont pas tous des brutes, à l’image du jeune orphelin embrigadé de force par les talibans. D’ailleurs qui choisit vraiment sa vie dans cette société ?
L’histoire révèle, à travers le personnage de la tante et celui de l’héroïne, que ces femmes qui n’ont pas le statut d’ être humain luttent pour leur survie par la rouerie, voire l’extrême violence. C’est le paradoxe de cette société arriérée. Surprenant paradoxe que l’on retrouve dans un vocabulaire assez cru qui exprime la sexualité refoulée ou cachée.
La force du film d’Atiq Rahimi adapté de son roman qui a obtenu le prix Goncourt 2008, repose sur le jeu de l’actrice qui traduit un vécu puisqu’elle a dû fuir le régime iranien, le dos brûlé par un jet d’acide. Presque seule en scène, tour à tour mère, épouse dévouée et prostituée, elle traduit la souffrance, l’inquiétude, la peur, le plaisir… Mais un bémol : l’omniprésence du corps du mari agonisant est obsédante, impudique.
J’aimerais beaucoup voir ce film! Bon week end!
Nous apprécions ces films qui restituent l’atmosphère de pays lointains. Bon week-end à vous aussi.
Même si cela doit être parfois un peu dur, j’aimerai découvrir ce film.
A part la présence quasi permanente du mari mourant le film n’est pas si dur et les images sont belles, esthétisantes même.
J’aimerais beaucoup le voir également et je suis contente de le découvrir grâce à vous. Bon week-end !
On en parle beaucoup en France, il y a de nombreuses interview de l’actrice franco-iranienne et du réalisateur franco-afghan concernant leur histoire personnelle puisqu’ils ont dû fuir leurs pays respectifs. Bon week-end à vous aussi !
je ne suis pas très receptive à ce style de film
J’ai sans doute tort
Bonne soirée mesdames
Il y des films qui nous tentent et d’autres qui nous tentent pas – parfois on ne sait même pas pourquoi. Il faut dire il y a une telle production cinématographique que l’on est obligé de faire une sélection, on ne peut tout voir.
Bon dimanche
J’ai vu ce film, je l’ai beaucoup aimé, il m’a vraiment secouée. Bonne journée à vous.
Votre critique nous a d’ailleurs incitées à aller le voir. Bonne journée à vous aussi.
Un film que j’ai très envie de voir mais vais je trouver le temps …
C’est très souvent notre cas aussi – trop de choses à faire et à voir. A souhaiter que le film passera à la télé ce qui n’est pas sur. Bonne journée
Très jolie critique. Si je ne l’avais pas vu, je courrerais le voir !
Merci ! Bonne journée
Un film certainement très beau et très dur aussi. Hélas, le temps m’est compté et je ne vais plus au cinéma aussi souvent qu’avant… Il faudrait que je réorganise vraiment mon emploi du temps !
Bonne soirée à vous
…ou attendre sa diffusion à la télé ? Bonne soirée à vous
Je n’ai pas vu le film mais j’ai lu le livre dont il s’inspire.
Je dois dire que j’ai trouvé le livre assez lourd, pesant. Ce qui est assez logique au vu de l’histoire.
J’ai lu aussi récemment le livre « Elle joue », qui évoque la vie de Golshifteh Farahani, l’actrice dont vous parlez.
Ce n’est pas une biographie, mais l’auteur évoque sa rencontre avec l’actrice irannienne (sans jamais la nommer) et restitue les récits que cette-dernière lui fait de son enfance, de sa carrière, du sort des femmes en Iran … Ce livre montre la complexité, la brutalité de cette société, et comment ceux qui n’adhèrent pas essaient de s’en sortir. Un livre fascinant.
Ce livre sur l’actrice de Synghé Sabour a été écrit par la femme de Jean-Claude Carrière qui est iranienne, et J.C. Carrière a adapté ce film du roman d’Atiq Rahimi qui en est lui-même le réalisateur. De nombreux intellectuels de ces pays-là trouvent en France la possibilité de s’exprimer à travers leurs œuvres et ainsi nous faire découvrir les problèmes de leur pays.
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Je n’ai pas vu le film mais j’ai lu le livre …
Un cri ; une révolte, une femme mariée contre son gré à un « héros » combattant qu’elle ne connaitra que des années plus tard, la séquestration dans la famille du mari pour le respect des convenances ; la solitude et les frustrations qui en découlent, la souffrance et la révolte de chaque instant. Une enfance sous haute violence… Et puis ce mari, cet homme qui ne la traite pas comme une femme, « le héros de la résistance » est blessé. Une balle qui le couche à sa merci … cette femme va enfin pouvoir approcher son mari, lui parler, le toucher… Et là, toute la révolte va s’exprimer… toutes ses peurs cachées, ses espoirs, ses désillusions, ses craintes, ses humiliations… et comme il ne peut ni bouger ni parler, qu’il est totalement entre ses mains, mais qu’elle est certaine qu’il le comprend, elle va craquer, et régler ses comptes, avec violence. Il est mourant mais ce sont ses entrailles à elle qui sont à vif ; elle se met à nu… de l’intérieur, de l’extérieur… elle dévoile son esprit, son corps, sa vie… avec lui, sans lui, avec les autres, avec sa souffrance à elle trop longtemps contenue.. Avec le mensonge de la tradition aussi… Alors oui ce petit livre est un coup de poing; il me fait penser à la révolte exprimée par Yasmina Khadra dans ses romans. C’est un livre qui prend aux tripes, sur le cri, sur le silence, la douleur, les rêves avortés, la virilité, la trahison, la condition de la femme en Afghanistan … C’est certainement la voix de centaines de femmes opprimées dans des pays de non liberté qui s’exprime … c’est une lutte …
L’auteur, dans une interview au « Monde.fr » du 12 novembre 2008 nous dit : « Donc pour moi, ma langue maternelle, le persan, est une langue avec laquelle j’ai connu le monde, j’ai connu mes tabous, j’ai connu mes interdits, mes limites. Donc j’avais une sorte d’autocensure en écrivant en persan. Alors que dans ma langue d’adoption, comme c’est une langue choisie, on a une certaine liberté pour s’exprimer, car il n’y a pas cette autocensure et cette pudeur inconsciente ancrée en nous depuis l’enfance. »
Je ne sais pas si l’écriture mérite le Goncourt… Mais si c’est la voie pour que la voix de la femme de l’ombre se fasse entendre… alors oui ce livre mérite le prix…
D’après votre récit le film paraît être très fidèle au roman. La littérature et le cinéma ont pris le pas sur les images choc des reportages télévisés comme celles montrant les femmes afghanes trimballées dans leurs burkas sur l’arrière des pick up. Ils nous montrent que ces femmes ont aussi une voix.
Il y a certes plus d’autocensure dans une langue maternelle que dans une langue apprise ; ceux qui pratiquent plusieurs langues en font l’expérience.